Du 20 janvier 1519 au 20 avril 1520.

L’exploration du Rio de la Plata, commencée le 12-01, va durer trois semaines, ce qui montre qu’elle n’avait pas été entièrement réalisée par ses prédécesseurs en 1514 (João de Lisboa) et 1516 (João de Solis, Portugais au service de l’Espagne), et que Magellan espère trouver un passage tout au fond vers la « Mer du Sud » (aperçue par Balboa en 1513 au Panama), comme l’écrivent très clairement Antonio Pigafetta et le pilote Albo.

Le globe de l’allemand Schöner (1515) imagine clairement un passage à ce niveau. C’est peut-être à cette représentation que se réfère Pigafetta quand il écrit plus tard, à l’orée du détroit de Magellan : « Magellan dit qu’il savait devoir naviguer par un détroit très caché, parce qu’il l’avait vu sur une carte marine du roi de Portugal, laquelle carte un grand pilote et marinier nommé Martin Behaïm avait faite. » Cette phrase a fait couler beaucoup d’encre, et pas toujours de la meilleure, sur une pré-découverte du fameux détroit, mais aucun argument convaincant ne permet de corroborer cette hypothèse. On ne connaît aucune carte de ce type de Martin Behaïm, auteur du fameux globe de 1492, ni aucune autre référence indirecte, et il paraît bien plus probable que Pigafetta ait confondu le nom des deux cartographes allemands. Ou alors que Magellan se soit vanté pour rassurer un équipage très angoissé.

Sur la rive Nord, juste après le cap Santa Maria, des canoës s’approchent des vaisseaux. Un Indien de forte stature monte à bord du navire de Magellan et l’invite d’une voix « forte comme un taureau » à descendre à terre. Mais les Européens sont méfiants, João de Solis et plusieurs de ses hommes ont été tués et dévorés quatre ans auparavant dans ces parages : cent hommes armés débarquent à terre et tentent vainement de s’emparer de quelques Indiens, mais tous avaient fui avec leurs hardes avec une rapidité qui étonna Pigafetta : « ces gens faisaient plus en un pas que nous ne pouvions faire en un saut ».

Dans le rio de la Plata, deux morts sont à déplorer : Guilherme Martins Vaz, un mousse portugais noyé lors d’une violente tempête, et Sebastián de Olarte, marin de Bilbao, des conséquences d’une chute lors d’une rixe.

Le 7-02 la flotte ne trouvant aucune issue, commence à descendre vers le sud longeant des côtes inexplorées jusqu’alors. Chaque golfe un peu profond est exploré à la recherche d’un passage. La faune est abondante : des « loups marins » (otaries) et des « canards » (manchots) par milliers sont l’objet de chasse régulière permettant aux hommes de se nourrir de viande fraîche. On ignore s’ils mangeaient les foies des otaries, que l’on sait aujourd’hui riche en vitamine C. Le surplus est salé et entassé dans la cale. Au loin, ils voient parfois des guanacos et signalent régulièrement des fumées, mais sans jamais apercevoir d’indigènes, qui n’habitaient alors que loin des côtes peu hospitalières, à l’intérieur des terres. La navigation est monotone, les paysages répétitifs, le froid croissant.

Tout le mois de mars, le pilote Albo signale simplement qu’ils ne mesurèrent plus la latitude. Il faut en déduire que le soleil était absent, en raison d’un temps très couvert et tempétueux. C’est d’ailleurs pendant ce mois qu’eurent lieu les épisodes mouvementés de chasse aux loups marins et les successions de gros temps, évoqués par Pigafetta et d’autres sources, et décrits plus en détail par Herrera (p. 962 sqq.). Les conditions furent particulièrement rudes, car les vaisseaux mirent 29 jours pour descendre de 2° 30’ en latitude (au lieu de 23 jours pour 11° le mois précédent).

Le 20-04, ils sont à 40° 17’ S, 5° en dessous de la latitude du cap de Bonne-Espérance. L’inquiétude et la lassitude des hommes sont palpables. Les capitaines espagnols, dont Juan de Cartagena, toujours aux arrêts, fomentent une rébellion qui ne tardera pas à éclater.

à suivre …

M. Chandeigne

Du 20 janvier 1519 au 20 avril 1520

L’exploration du Rio de la Plata, commencée le 12-01, va durer trois semaines, ce qui montre qu’elle n’avait pas été entièrement réalisée par ses prédécesseurs en 1514 (João de Lisboa) et 1516 (João de Solis, Portugais au service de l’Espagne), et que Magellan espère trouver un passage tout au fond vers la « Mer du Sud » (aperçue par Balboa en 1513 au Panama), comme l’écrivent très clairement Antonio Pigafetta et le pilote Albo.

Le globe de l’allemand Schöner (1515) imagine clairement un passage à ce niveau. C’est peut-être à cette représentation que se réfère Pigafetta quand il écrit plus tard, à l’orée du détroit de Magellan : « Magellan dit qu’il savait devoir naviguer par un détroit très caché, parce qu’il l’avait vu sur une carte marine du roi de Portugal, laquelle carte un grand pilote et marinier nommé Martin Behaïm avait faite. » Cette phrase a fait couler beaucoup d’encre, et pas toujours de la meilleure, sur une pré-découverte du fameux détroit, mais aucun argument convaincant ne permet de corroborer cette hypothèse. On ne connaît aucune carte de ce type de Martin Behaïm, auteur du fameux globe de 1492, ni aucune autre référence indirecte, et il paraît bien plus probable que Pigafetta ait confondu le nom des deux cartographes allemands. Ou alors que Magellan se soit vanté pour rassurer un équipage très angoissé.

Sur la rive Nord, juste après le cap Santa Maria, des canoës s’approchent des vaisseaux. Un Indien de forte stature monte à bord du navire de Magellan et l’invite d’une voix « forte comme un taureau » à descendre à terre. Mais les Européens sont méfiants, João de Solis et plusieurs de ses hommes ont été tués et dévorés quatre ans auparavant dans ces parages : cent hommes armés débarquent à terre et tentent vainement de s’emparer de quelques Indiens, mais tous avaient fui avec leurs hardes avec une rapidité qui étonna Pigafetta : « ces gens faisaient plus en un pas que nous ne pouvions faire en un saut ».

Dans le rio de la Plata, deux morts sont à déplorer : Guilherme Martins Vaz, un mousse portugais noyé lors d’une violente tempête, et Sebastián de Olarte, marin de Bilbao, des conséquences d’une chute lors d’une rixe.
Le 7-02 la flotte ne trouvant aucune issue, commence à descendre vers le sud longeant des côtes inexplorées jusqu’alors. Chaque golfe un peu profond est exploré à la recherche d’un passage. La faune est abondante : des « loups marins » (otaries) et des « canards » (manchots) par milliers sont l’objet de chasse régulière permettant aux hommes de se nourrir de viande fraîche. On ignore s’ils mangeaient les foies des otaries, que l’on sait aujourd’hui riche en vitamine C. Le surplus est salé et entassé dans la cale. Au loin, ils voient parfois des guanacos et signalent régulièrement des fumées, mais sans jamais apercevoir d’indigènes, qui n’habitaient alors que loin des côtes peu hospitalières, à l’intérieur des terres. La navigation est monotone, les paysages répétitifs, le froid croissant.

Tout le mois de mars, le pilote Albo signale simplement qu’ils ne mesurèrent plus la latitude. Il faut en déduire que le soleil était absent, en raison d’un temps très couvert et tempétueux. C’est d’ailleurs pendant ce mois qu’eurent lieu les épisodes mouvementés de chasse aux loups marins et les successions de gros temps, évoqués par Pigafetta et d’autres sources, et décrits plus en détail par Herrera (p. 962 sqq.). Les conditions furent particulièrement rudes, car les vaisseaux mirent 29 jours pour descendre de 2° 30’ en latitude (au lieu de 23 jours pour 11° le mois précédent).

Le 20-04, ils sont à 40° 17’ S, 5° en dessous de la latitude du cap de Bonne-Espérance. L’inquiétude et la lassitude des hommes sont palpables. Les capitaines espagnols, dont Juan de Cartagena, toujours aux arrêts, fomentent une rébellion qui ne tardera pas à éclater.

LES ÉPISODES PRÉCÉDENTS

Episode 1. 20/09/1519

Le 20 septembre 1519, les cinq navires de l’escadre, après plus d’un an de préparation sur les quais de Séville, s’élancent depuis le port de Sanlúcar de Barrameda pour un voyage dont seul Magellan et ses pilotes connaissent la route et le but.

Il s’agit de cinq nefs : la Trinidad, la nef amirale commandée par Magellan (110 tonneaux, 62 hommes), le San Antonio (120 T, 55 hommes), la Concepción (90 T, 44 hommes), la Victoria (85 T, 45 hommes) et le Santiago (75 T, 31 hommes). Ce sont de petits bâtiments qui font entre 20 à 30 m de long maximum, dont les coques sont bourrées de vivres et de vin pour deux ans, de canons, d’agrès, de caisses de marchandises pour le troc (qui vont des barres d’argent et de cuivre aux grelots et aux hameçons). Les hommes ont à peine la place de s’allonger pour dormir ou pour simplement se déplacer. Il est difficile de s’imaginer l’entassement et la promiscuité que les marins vont devoir endurer pendant des mois et des mois, encore plus difficilement sous le cagnard ou par gros temps.

Au total 237 hommes sont embarqués. Quatre monteront au Canaries, un descendra. Le fils métis du pilote João de Carvalho les rejoindra dans la baie de Rio. Au total ce sont 242 personnes qui vont participer au plus extraordinaire des voyages maritimes de tous les temps – une expédition conçue par un Portugais, promue et financée par la Couronne d’Espagne, avec un équipage cosmopolite. 

On y dénombre en effet 139 Espagnols (dont 66 Andalous et 29 Basques), 31 Portugais, 26 Italiens, 19 Français – dont un fera le tour du monde –, 9 Grecs, 5 Flamands, 4 Allemands, 2 Irlandais, 1 Anglais, 2 Noirs africains, deux métis luso-brésilien et hispano-indien, un Goanais et un Malais (Henrique, l’esclave de Magellan).

Parmi eux,  il y aura 91 hommes qui reviendront en Europe, dont 35 auront accompli le tour du monde (et non 18)… Mais ne dévoilons pas tout de suite les péripéties qui expliquent ces chiffres….