Du 20 novembre 1519 au 20 janvier 1520

Depuis la fin octobre, Juan de Cartagena, qui avait refusé de venir saluer un soir le capitaine-général comme c’est la coutume, est aux arrêts, confié à Luis de Mendoza, le capitaine de la Victoria. Antonio de Coca, le secrétaire de l’armada, est nommé à sa place capitaine du San Antonio.

Ces trois hommes seront les meneurs de la future mutinerie.

La ligne franchie, après la longue période de pluie puis d’orages de la première partie de la navigation, le temps est au calme, trop calme. Les navires n’avancent plus, la chaleur est insupportable et les marins se morfondent sous des voiles souvent inertes. C’est dans ce contexte que le maître d’équipage sicilien de la Victoria, Antonio Solomone, âgé de 47 ans, est surpris en train de commettre « le péché contre nature » sur un mousse ligure, Antonio Varesa. Les deux sont aussitôt mis aux fers.

Le 29 novembre 1519, le cap Santo Agostinho (8° 17′ S) est en vue.

La flotte descend lentement la côte brésilienne.

Le 8 décembre, à la hauteur des Abrolhos, une chaloupe est envoyée à Ponta da Baleia (17° 45′ S) s’approvisionner en eau et en bois.

Le 13, les navires pénètrent dans une grande baie, dont ils ignorent le nom et qu’ils baptisent Santa Lucia. Il s’agit de la baie de Rio de Janeiro, où le pilote portugais de la Santiago João Lopes de Carvalho avait séjourné autrefois durant quatre ans. Il y retrouve un fils métis de sept ans, Juanillo, qu’il avait eu d’une Indienne.

Les hommes trouvent des vivres en abondance, se reposent et commercent avec les Indiens, le troc va bon train et les hommes obtiennent des jeunes filles négociées à l’amiable contre une hache ou un couteau.

Le 20 décembre, Salomone est sommairement jugé et décapité. Comme c’est la coutume alors pour de tels actes, le corps est brûlé et ses cendres dispersées, ce type de condamné étant interdit de sépulture.

Antonio Pigafetta fait silence sur cette scène terrible, et préfère narrer plusieurs anecdotes, telle l’histoire de cette Indienne qui monte à bord, et ne se croyant pas épiée ramasse un long clou en métal, qu’elle regarde comme « chose extraordinaire » et qu’elle finit par cacher « dedans les lèvres de sa nature »… Pigafetta se fait l’écho de nombreuses légendes indiennes, et s’attache à décrire ce qu’il croit saisir des mœurs autochtones…

Un témoignage moins connu nous apprend que Duarte Barbosa, le cousin de sa femme, grisé par la sensualité des lieux, ne veut pas revenir à bord. Il faut aller le chercher de force et l’enfermer au départ.

Le 27 décembre, Juanillo s’embarque auprès de son père João Lopes de Carvalho. Il est donc le 242e membre de l’expédition. Les vaisseaux lèvent l’ancre

Juan de Cartagena est toujours aux arrêts, consigné dans sa cabine. Magellan, qui se méfie des Espagnols, nomme son cousin Álvaro de Mesquita capitaine du San Antonio à la place d’Antonio de Coca. João Lopes de Carvalho est promu premier pilote.

Le 10 janvier 1520, alors que la côte s’infléchit brutalement vers l’ouest, ils se trouvent devant un relief, qu’ils nomment Montevidi (Montevideo). Le Rio de la Plata était déjà connu, mais son exploration en 1515-1516 par João de Solis, pour le compte de la Couronne espagnole, avait été brutalement interrompu par la mort du navigateur, dévoré par des Indiens cannibales.

Magellan pense encore que la gigantesque baie pourrait cacher un passage vers la «Mer du Sud» (le Pacifique) découvert en 1513 par Balboa. À partir du 12 janvier, il va passer trois semaines à l’explorer en détails.

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Michel Chandeigne

à suivre…