Eliete est née après la Révolution de 1974. Agente immobilière, mariée, mère de deux filles, la voici obligée d’héberger sa grand-mère paternelle après que celle-ci s’est retrouvée à l’hôpital, atteinte par la maladie d’Alzheimer. Le père d’Eliete est mort alors qu’elle n’avait que cinq ans, et sa mère refuse de prendre en charge sa belle-mère qui les a pourtant hébergées et soutenues durant son enfance. Qui prend soin des plus vieux dans cette société égoïste, insouciante et oublieuse de l’Histoire? Eliete, qui fait bonne figure devant les commentaires maternels mesquins, qui se résigne à voir s’éloigner ses filles indépendantes, assiste seule à la dégradation physique et psychologique de sa grand-mère sans faire paraître son désarroi. Mère, fille, petite-fille, épouse d’un mari indifférent, ménagère, employée, Eliete a toujours endossé sans broncher ces rôles réducteurs. Petite, on lui a appris que la féminité était source d’ennuis et d’interdits, puis elle a pu observer le désir dans le regard des hommes, avant de jalouser la réussite professionnelle de sa meilleure amie que les mauvaises langues attribuent à ses charmes, le succès d’une femme étant toujours suspect. Le problème d’Eliete, c’est justement sa « vie normale » ; elle se demande ce que signifie être une femme au XXIe siècle. Cette aspiration indéfinie est montrée avec beaucoup de délicatesse. L’héroïne échoue tout autant à se rattacher au passé ravivé par les souvenirs mystérieux de sa grand-mère, qu’à se rapprocher de ses filles qui évoluent dans un présent virtuel où la mise en scène de soi est plus importante que l’être. Le soir de la finale de la coupe d’Europe gagnée par le Portugal, elle décide de s’inventer une vie parallèle et instantanée…

Aline Sirba – Revue Études – Octobre 2020