Du 20 septembre au 20 novembre 1519
Les cinq nefs de la flotte lèvent l’ancre de Sanlúcar de Barrameda, à l’embouchure du Guadalquivir, le 20 septembre 1519. Cap SW, puis SSW, avec 237 hommes à bord.
Magellan commande la Trinidad et les quatre autres capitaines sont espagnols : Juan de Cartagena est capitaine-général en second et commande aussi le San Antonio, Luis de Mendoza la Victoria, Gaspar Quesada la Concepción, Juan Serrano le Santiago.
Dès lors, nous pouvons suivre les péripéties de l’expédition, essentiellement grâce à Antonio Pigafetta, auteur de la principale relation de notre voyage, mais aussi aux récits et témoignages de plusieurs autres participants, et de précieuses informations puisées chez les chroniqueurs portugais (Barros, Castanheda, etc.) ou espagnols (principalement Herrera).
Le 26, les nefs mouillent devant Santa Cruz de Tenerife. Elles s’approvisionnent en bois, en viande salée, en fromages et autres vivres. Quatre hommes embarquent : les supplétifs Hernán Lopez sur la Victoria et Blás Alfonso sur la Concepcion (qui s’avéreront tous deux portugais), un certain « mestre Pedro » et le mousse Andrés Blanco sur le Santiago. En revanche Lázaro de Torres débarque de la Trinidad : on peut considérer que c’est le premier survivant du voyage. Il y en aura 90 autres.
Le 29, les nefs descendent vers le sud de l’île et mouillent à l’abri de la Montaña Roja, un volcan de 171 m de hauteur à proximité de la ville d’El Médano. Elles chargent de la poix, ce goudron végétal indispensable pour calfater les coques, apportée par un petit vaisseau, dépêché de Séville, qui transmet à Magellan une lettre de son beau-père. Diogo Barbosa l’y met en garde contre les officiers espagnols, qui avaient déclaré en partant vouloir le destituer à la première occasion…
L’escadre repart le 2 octobre et longe la côte africaine en prenant une direction S puis SSE. Il s’agit de descendre au plus près de l’équateur pour rejoindre les vents porteurs de l’hémisphère Sud qui la mèneront au Brésil. Si elle s’élance trop tôt à l’ouest dans l’Atlantique, elle risque d’être repoussée vers les Antilles, ce que ne savent pas la plupart des hommes embarqués, peu familiers de ces parages. Juan de Cartagena s’inquiète de cette route qui semble les détourner du Brésil.
Le 5 octobre, le San Antonio s’approche de la Trinidad et Cartagena exige des explications de Magellan, qui ne daigne en donner aucune, demandant simplement avec autorité et agacement qu’on lui fasse confiance.
Une grande tension règne déjà, et le temps est exécrable : « 60 jours de pluie jusqu’à l’équateur », écrit Pigafetta. Vers les 14°, après avoir dépassé le cap Vert, de violentes tourmentes sévissent durant plusieurs jours, le risque de naufrager est des plus aigus et la terreur s’emparent des âmes. Cependant, des feux de Saint-Elme jaillissent à plusieurs reprises aux extrémités des vergues et aux hunes des mâts, parfois longuement, et l’apparition de ces « corps saints » rassure les marins, car leur présence est selon eux un bon augure.
Le calme revenu, on constate qu’aucun navire n’a sombré. Il pleut toujours, mais il n’y a plus de vent, et durant vingt jours, à la hauteur de la Sierra Leone, les navires n’avancent que de 3 lieues… Les rations sont fixées à une pinte de vin par jour (env. 0,8 l), une pinte et demie d’eau et une livre et demie de biscuit…
La ligne équatoriale est enfin franchie vers le 20 novembre. Le soleil revenu brûle les corps. Les marins retrouvent un peu de repos, mais l’orage gronde parmi les officiers espagnols. Il ne va pas tarder à éclater.
(…)
Michel Chandeigne
à suivre…