JO 2016 : il n’y a pas que le football au Brésil. On sous-estime ce grand pays sportif

LE PLUS. Deux ans après le Mondial 2014, le Brésil accueille les Jeux olympiques, à Rio, pour la première fois de son histoire. Si les noms des footballeurs brésiliens sont connus du plus grand nombre, les autres athlètes de ce pays le sont beaucoup moins. À tort, explique Michel Raspaud, auteur de “Le sport au Brésil”. Car ce pays brille dans d’autres disciplines que le foot.

Tous les médias parlant de la situation politique, économique, sociale du pays, de l’insécurité, la pollution et des infrastructures défaillantes à Rio – les retards sont courants, mais remarqués ici parce qu’il s’agit du Brésil… –, je me focaliserai sur un autre aspect. En effet, le 5 août ont débuté des Jeux qui rassemblent 10.500 athlètes venus concourir pour les 971 médailles proposées. Aussi, parlons plutôt du sport au Brésil !

45,9% de la population brésilienne est sédentaire

Ayant séjourné quelques jours à Vitória (Etat d’Espírito Santo, au nord de Rio), j’ai pu observer les pratiques locales : l’Avenida Dante Michelini, longue de 5 km, est composée de deux chaussée de trois voies chacune, séparées par un terre-plein central, le long de l’Atlantique. Du côté maritime, elle est bordée par une piste cyclable, une de skate, et une autre pour marcheurs et joggeurs, puis vient la plage.

Chaque matin et soir, à partir de 6 heures puis dès 16 heures, ces pistes sont occupées par des centaines de personnes pédalant, roulant, courant ou faisant de la marche rapide : hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, seuls, à deux, en groupes… Idem à São Paulo, sur l’Avenida Sumaré ou l’Avenida Paulista, désormais neutralisée tous les dimanches : on peut alors s’étonner que 45,9% de la population soit sédentaire [1].

C’est pourtant simple, plus on est pauvre, plus on habite loin de ces espaces entourés des habitations des classes moyennes aisées et supérieures.

Les milieux populaires se trouvent dans des zones éloignées (cités ou favelas), n’ont pas de tels espaces à proximité, et sont de par leur habitus [2] et les contraintes de leur vie quotidienne, peu enclins à se préoccuper de leur santé par l’alimentation ou des activités sportives à caractère prophylactique…

27 médailles escomptées, contre 17 à Londres

Dès la fin des années 1990, le ministère des Sports fait des efforts avec le programme Segundo Tempo (scolaires de 6 à 17 ans), mais les spécialistes locaux eux-mêmes disent qu’il a des incohérences et trop d’incertitude sur le renouvellement de son financement…

Le 24 juillet dernier, le quotidien “O Estado de S. Paulo” publiait, en première page de son cahier spécial “Olimpíada 2016”, la liste des 27 médailles escomptées (8 d’or, 8 d’argent et 11 de bronze) – contre 17 à Londres, le record –, et des 6 possibles surprises (positives) de ces Jeux.

Sans doute, depuis la France, s’étonnera-t-on d’une telle liste pour un pays dont on ne retient guère que les noms des footballeurs qui animent notre championnat ou celui de nos voisins européens (Neymar au Barça ; Thiago Silva, Marquinhos, Lucas au PSG…).

Quelques réminiscences feront sans doute émerger dans la mémoire les noms du pilote de F1 Ayrton Senna (auquel le Brésil, vingt-deux ans après sa mort tragique à Imola, voue toujours un culte unanime), ou du tennisman Gustavo Kuerten, trois fois vainqueur de Roland Garros (1997, 2000 et 2001). Plus récemment (Pékin 2008), César Cielo s’était aussi illustré avec l’or du 50m nage libre.

L’objectif du Brésil ? Intégrer le top 10 mondial

Objectif annoncé après l’obtention des JO : intégrer le top 10 mondial des nations et s’y ancrer. Pour ce faire, une politique volontariste a été engagée par l’État central et le ministère des Sports pour soutenir l’élite avec plusieurs modalités :

– d’une part, la Bolsa Atleta, accordée à des sportifs de bon niveau suivant cinq catégories : Base, Etudiant, National, International et Olympique/Paralympique (de 370 à 3.100 reais/mois) [3] ;

– d’autre part, la Bolsa Pódio, réservée elle aux seuls athlètes classés dans le top 20 mondial, et subdivisée en quatre niveaux (de 5.000 à 15.000 reais/mois). Plus de 31.000 Bolsa Atleta ont été distribuées de 2005 à 2013 pour un total de 440 millions de reais.

Ainsi, des médailles sont attendues en athlétisme, basket masculin, boxe, canoë, football masculin et féminin, gymnastique, handball féminin, judo, natation, tennis (double masculin), voile, volley et beach-volley masculins et féminins.

Dans tous ces sports, le Brésil a déjà gagné des médailles aux Jeux olympiques, Jeux panaméricains ou championnats du monde, mais cela ne se sait guère en France. Ainsi, sur un gain de 108 médailles olympiques, volley et beach-volley en totalisent 20, le judo 19, et la voile 17 ! De plus, comme pour tous les JO, le fait de concourir chez soi et le support du public galvaniseront les athlètes locaux.

En foot, la Seleção n’a jamais remporté l’or olympique

Le football brésilien se porte mal depuis longtemps, mais l’échec “honteux” de Belo Horizonte (défaite contre l’Allemagne par 7 buts à 1) reste dans toutes les mémoires, même si l’on en parle ici avec dérision.

Paradoxalement, la Seleção n’a jamais remporté l’or olympique. Du fait que, lors de la période de Guerre froide, il est trusté par les pays de l’Est (où le professionnalisme n’existait pas officiellement), que les joueurs deviennent professionnels très tôt, et parce que la fédération ne se préoccupe alors pas vraiment de cette compétition.

Ce n’est qu’avec l’évolution du règlement et l’acceptation des professionnels que l’intérêt émerge : à Los Angeles (1984), les Auriverde parviennent en finale mais sont battus par… la France (0-2), comme quatre ans plus tard à Séoul par l’URSS (1-2). À Pékin (2008), Ronaldinho et ses équipiers n’obtiennent que le bronze et à Londres (2012), malgré la présence de Neymar, le Brésil s’incline de nouveau en finale, contre le Mexique (1-2).

Deux ans après la Copa, l’or serait une consolation, mais le pire est peut-être à venir puisque la Seleção est en mauvaise posture dans son groupe de qualification au Mondial 2018 : seule nation ayant participé à toutes les phases finales, là serait la véritable catastrophe !

Une femme, porte-drapeau du Brésil

La délégation est composée de 465 athlètes, dont 209 femmes (45%). Sur les 27 médailles escomptées, elles en rapporteraient 12 (45%). Outre les sports d’équipe déjà mentionnés (4 médailles envisagées), citons :

– Sarah Menezes, Mayra Aguiar et Erika Miranda en judo ;

– la paire Martine Grael et Kahena Kunze en voile ;

– Ana Marcela Cunha au marathon aquatique ;

– Fabiana Murer au saut à la perche et Erika Sena en marche athlétique !

Retenez ces noms.

Ainsi, après la beach-volleyeuse Sandra Pires (Sydney 2000), c’est la pantathlète Yane Marques, médaille de bronze à Londres et double vainqueur aux Jeux panaméricains (2007, 2015), qui portera le drapeau national lors de la cérémonie d’ouverture : bel honneur fait aux sportives brésiliennes.

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[1] Diesporte. A prática de esporte no Brasil. Brasília, Ministerio de Esporte, 2015 (enquête effectuée en 2013, auprès de 8902 personnes, représentatives de la population des 14-75 ans).

[2] Habitus : processus d’acquisition de valeurs, appétences et comportements sociaux – perçus comme naturels – marquant le reste de la vie, dans le cadre du groupe familial et du milieu social, principalement lors de la prime enfance.

[3] Selon l’IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística), le salaire moyen d’une personne en emploi était de 2104 reais/mois en 2014. Quant au salaire minimum, il a été relevé à 880 reais au 1er janvier 2016.

Par Michel Raspaud, édité et parrainé par Sébastien Billard, 6/08/2016