Cap-Vert mélancolique

Le quotidien de l’archipel du Cap-Vert au fil du temps : voici le thème de ces sept histoires courtes écrites par les auteurs du mouvement Claridade, né là-bas dans les années 1930, pour se libérer de l’influence intellectuelle de Lisbonne. La mer y revêt une signification puissante. Élément nourricier – les ventres se creusent quand l’activité portuaire flanche –, elle est aussi, selon un douanier mélomane, le lieu d’où a surgi la morna, cette musique popularisée par Cesária Évora. Elle est enfin l’horizon des rêves d’exil. « Vers le nord ou vers le sud, l’est ou l’ouest, tout chemin était bon pour fuir cette vie mesquine », lit-on dans « Le coq a chanté dans la baie », de Manuel Lopes. Sur les places, à l’église ou au tribunal, les personnages écoutent et racontent, avec sérieux ou gouaille, les destins de leurs compatriotes brisés par la maladie, le voyage ou le crime. Celui de l’homme de retour d’Amérique oublieux des coutumes, celui de l’ancien élève surdoué suicidé à Lisbonne, ou encore celui des casseurs de pierre sur la piste d’un trésor. Et le soleil qui se nimbe d’un voile, à l’image de la mélancolie de la morna, au diapason de tous les cœurs.

Gladys Marivat – Le Monde – Avril 2021