Le récit touchant d’un lien fort et unique durant la Shoah

Sous la plume d’Iris Argaman, avec des illustrations d’Avi Ofer, vient de voir le jour chez Chandeigne un ouvrage original, avec l’appui de la FMS, traduit de l’hébreu par Livia Parnes et Pierre-Emmanuel Dauzat, dont la facture élégante, les dessins fins et soignés, ainsi que leurs textes accompagnateurs laissent une empreinte sensible auprès du lecteur, fût-il petit ou grand.

L’idée de cet ouvrage illustré, destiné à première vue aux enfants, (mais en vérité concernant tout un chacun), revient à Iris Argaman qui au départ est tombée sur un article consacré à une exposition à Yad Vashem : « Il n’y a pas de jeu d’enfant. » Dans cet article « la conservatrice, Judith Inbar, parlait d’un ourson qu’elle appelait « la Joconde de Yad Vashem. » Voilà comment tout a commencé pour Iris Argaman  « qui a lu et relu l’article avec le sentiment qu’il fallait qu’elle raconte l’histoire de cet ourson », lequel a soutenu affectivement et réconforté Fred Lessing, un enfant caché durant la Shoah en Hollande. Cet ourson en peluche à la tête rafistolée fut son seul ami pendant deux longues années clandestines, où la mort était programmée pour le peuple Juif. L’auteure par l’intermédiaire de la conservatrice a réussi à joindre Fred Lessing aux USA, comme elle s’en explique : « Je lui ai dit que son histoire m’avait profondément touchée et que je voulais en faire un livre. Fred a eu du mal à accepter : pour moi, ce n’était qu’une histoire : pour lui, c’était sa vie. Fred a longuement réfléchi et m’a écrit une longue lettre : il a fini par accepter… Je suis allée à Jérusalem pour rencontrer l’ourson… La rencontre a été très émouvante. J’étais là devant l’ourson, seul derrière sa vitre. J’étais clouée sur place. Je lui ai murmuré des mots que seul lui pouvait entendre… C’était le début d’un long voyage. J’ai étudié l’enfance de Fred Lessing. J’ai lu des choses sur la guerre et me suis plongée  dans l’âme de l’ourson…  »

Et, disons-le, ce voyage est une réussite ! En braquant le projecteur sur l’ourson, en lui donnant la parole pour raconter le périple clandestin et menaçant sur fond d’angoisse de son « Maître », le témoignage indirect de ce dernier à une portée encore plus aigüe. Car, ce qui est touchant dans cet ouvrage apparemment si simple, c’est que l’ourson se fait le porte-voix intime, le confident chaleureux et fidèle de que son compagnon Fred craint, ressent, espère, et aime, en des temps où la persécution antijuive bat son plain. Grâce à son appui magique. Fred quitte l’espace clôt de soi à soi, pour trouver l’air frais. Le tout exprimé dans un langage coloré de poésie, de tendresse et de compassion qui « passe » de façon efficiente auprès du lecteur. Comme le fait dire l’auteure à l’ourson dans une lettre destinée aux enfants :  » Ce qui nous unit est un lien fort et unique. L’un sait ce que l’autre pense et ressent comme si on était une seule-personne. Au fond, peut-être qu’on est une seule personne et qu’on l’a toujours été.

Claude Bochurberg – Actualité Juive – Novembre 2018

 

 

Un ourson au cœur de la Shoah

Au moment où, avec Aharon Appelfeld, s’est tu l’un des derniers témoins du génocide perpétré par les nazis, la nécessité de parler de cette page sombre de l’histoire, même aux enfants, apparaît avec plus de force encore. L’ouvrage d’Iris Argaman permet de l’aborder avec tact et humanité.

Rappelons en préambule que c’est à passé 80 ans et après plus de quarante livres pour les adultes qu’Aharon Appelfeld avait publié, en 2014, son premier roman pour les enfants, Adam et Thomas (LT du 03.05.2014), et plus récemment le second et dernier, De longues nuits d’été (LT du 13.05.2017). Nous ne reviendrons pas ici sur ces deux beaux récits parus à L’Ecole des loisirs, et largement inspirés par l’enfance de leur auteur. Si nous citons aujourd’hui l’écrivain disparu il y a peu, c’est pour mettre en lumière un autre ouvrage, lui aussi remarquable, qui évoque la sombre époque dont a été le témoin Aharon Appelfeld.

Dans un entretien pour L’Ecole des lettres, publié en ligne le 17 mars 2014, dans lequel il répond aux questions de sa traductrice Valérie Zenatti, Appelfeld affirmait: «La littérature pour enfants, il me semble, doit contenir deux dimensions. L’une distrayante, récréative, l’autre pleine de sens. Je crois que les livres peuvent fournir des outils pour nous accompagner dans nos vies.»

Histoire vraie

Ces deux dimensions, effectivement essentielles, sont bien présentes dans L’Ourson de Fred, ouvrage grave mais pas désespéré, ouvrage «plein de sens» et d’humanité, que publient les Editions Chandeigne. L’histoire est simple, et elle est vraie. Elle est née de la rencontre entre une auteure israélienne, Iris Argaman, et un ours en peluche, exposé à Yad Vashem, au mémorial de la Shoah. Cet ours est celui d’un enfant juif, son compagnon de chaque jour et son confident dès lors que la guerre menace la Hollande: ensemble, ils quittent l’appartement de Delft où la famille vivait heureuse; ensemble, ils se cachent, se retrouvent seuls; ensemble, ils partent à la campagne, attendent la fin du conflit, les heureuses retrouvailles.

Finesse et expressivité parfaites

Le jouet-narrateur se fait le dépositaire des soucis du jeune garçon, de ses interrogations, de ses incompréhensions. Il est le point fixe dans les mille bouleversements de la vie de Fred. Jusqu’à ce que celui-ci, devenu adulte, le confie au musée de Jérusalem afin qu’à sa façon il perpétue le souvenir de ces temps tragiques.

D’une finesse et d’une expressivité parfaites, les dessins d’Avi Ofer jouent avec l’extrême parcimonie des couleurs – dont ce gris qui «habille» uniformément les personnages. L’illustratrice parvient ainsi à créer des images silencieuses qui accompagnent pas à pas, attentivement, légèrement, la solitude du jeune garçon.

Sylvie Neeman – Le Temps – Janvier 2018

 

Le héros n’est pas un enfant, c’est un ourson. Un ourson qui a vécu tout près d’un jeune Hollandais qui s’appelait Fred, un ourson qui a voyagé avec lui, qui s’est caché avec lui, qui a traversé le temps. Il ne l’a quitté que bien plus tard, pour s’installer dans un musée.
Cet ourson existe, tout comme son propriétaire, il est exposé à Yad Vashem, mémorial dédié aux victimes juives de la Shoah. Fred, quant à lui, est maintenant un vieux monsieur. À travers l’histoire de son ours c’est son histoire à lui que l’on suit, un enfant comme tant d’autres qui a dû porter une étoile jaune, fuir, se cacher.

Si le sujet est dur, le livrene cachant pas les choses, est à portée d’enfant et ne va pas les choquer, il rappelle juste des situations qui se sont passées dans une époque pas si lointaine. Le livre est un bel ouvrage avec de magnifiques illustrations et un beau papier. Adultes comme enfants seront ému·e·s de lire l’histoire de cet ours qui a été, pendant une période difficile, la seule chose qui restait à l’enfant de sa vie d’avant.

Un très bel album pour parler de la Shoah avec les enfants.

Gabriel – La mare aux mots – novembre 2017

Le livre d’Iris Argaman s’ouvre sur une scène plutôt heureuse : après un long périple, l’arrivée à Jérusalem au mémorial de Yad Vashem de l’ourson de Fred. La peluche et son propriétaire ont tous deux traversé la période tragique des persécutions antisémites de la Seconde Guerre mondiale.

A la page suivante : retour en arrière. Le récit commence à la manière d’un conte dont le narrateur est le nounours : « Autrefois, il y a bien longtemps dans un pays lointain qui s’appelle la Hollande, dans une ville qui s’appelle Delft, j’étais l’ourson de Fred. » Ces moments sereins ne durent pas ; à cause de la traque des juifs, l’enfant, séparé de ses parents et de ses frères, survit dans la clandestinité, mais toujours accompagné de sa peluche qui devient son confident. À la fin de la guerre, Fred a la chance de retrouver sa famille.

Sept décennies plus tard, Iris Argaman, auteure israélienne spécialisée dans les publications destinées à la jeunesse, lit un article sur l’exposition Il n’y a pas de jeu d’enfant présentée à Yad Vashem. Il y était question d’un ours en peluche surnommé par la conservatrice  « la Joconde de Yad Vashem ». Iris Argaman ressent alors immédiatement le besoin de raconter le passé de ce jouet. Son propriétaire Fred Lessing, après avoir longuement réfléchi, finit par accepter que son histoire personnelle devienne un livre pour enfants. Commence alors pour l’auteure une recherche documentaire, suivie par un travail d’écriture et de longs échanges avec Fred… pour produire un récit subtil sur la Shoah accessible aux enfants de six à neuf ans, tout en étant d’une richesse émotionnelle pour les adultes.

Le texte est accompagné de très belles illustrations qui soulignent la solitude et la détresse du petit Fred. Iris Argaman a reçu le prix Yad Vashem 2016 pour la version originale en hébreu de l’ouvrage. Ce bijou d’album est désormais à la disposition du public francophone.

Nicole Perez – Jerusalem Post – décembre 2017

 

L’enfant, l’ourson et la guerre

Outre leur catalogue lusophone, les éditions Chandeigne développent la Série illustrée qui s’enrichit d’un nouveau titre : l’émouvant L’ourson de Fred.

C’est un rescapé de la Shoah. L’oreille droite arrachée par un chien, la tête recousue, des yeux brodés, un nez et une bouche de fils rouges… Cet ourson en laine claire témoigne de l’histoire de Fred Lessing. Du destin de ce petit garçon juif astreint au port de l’étoile jaune et à la clandestinité en Hollande durant la seconde guerre mondiale.

C’est une histoire incroyable où le réel ne se conçoit pas sans horizon fictionnel, ni la fiction sans un solide ancrage dans la réalité. L’auteure israélienne de littérature de jeunesse Iris Argaman est tombée sous le charme de l’ourson à l’oreille manquante, rencontré derrière une vitrine du Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem. Comment la peluche s’y est-elle retrouvée exposée ? L’aventure ne manque ni de rebondissements ni d’heureuses coïncidences.

Durant deux ans pendant la Shoah, Fred, séparé de ses parents et de ses frères, vit caché dans une famille d’accueil à Amsterdam. Seul confident et ami, l’ourson l’aide à continuer à vivre malgré les changements de cachettes, les rafles, la peur et le silence.

À la fin de la guerre, Fred et son ourson quitte la Hollande pour les États-Unis. Fred a grandi et est devenu un homme. Il s’est marié et a eu à son tour deux enfants. L’histoire de cette amitié irréductible a voyagé jusqu’aux oreilles de la conservatrice du mémorial de Yad Vashem. Judith Inbar, qui préparait une exposition intitulée « Il n’y a pas de jeu d’enfant ». Elle contacte Fred Lessing dans le Michigan et lui demande s’il est d’accord pour prêter son ourson au musée afin que d’autres enfants connaissent son histoire. Fred répond : « L’ourson et moi, on ne s’est jamais quittés. Je vais lui demander ».

Le reste de l’histoire, c’est l’ourson qui la raconte : « Alors Fred m’a pris dans ses mains et m’a dit : Mon ourson, tu es mon meilleur ami, tu as pris soin de moi dans les moments les plus difficiles, tu serais d’accord pour partir ? Et j’ai dit oui. »

L’ourson se distingue des aplats mauves qui caractérisent les adultes et enfants. Ses contours flous, ocre, s’animent. Il relate avec pudeur la merveilleuse amitié qui le lie à Fred. « À l’époque Fred était un enfant sensible, soucieux et inquiet. »

Quelques décennies plus tard, Iris Argaman le convainc de lui laisser raconter leur histoire l’entremise de la voix tendre de l’ourson.

D’une douceur cotonneuse, la palette graphique d’Avi Ofer s’unit aux accents discrets mais profonds du texte.

Sans jamais verser dans le pathos, ce livre illustré porté par une grande tendresse, un style simple et fluide, transcende une expérience tragique en oeuvre de création. En réflexion sur la résilience, sur ce qui sauve de l’anéantissement.

Veneranda Paladino – Dernières nouvelles d’Alsace – septembre 2017

L’ourson de Fred : au coeur de la shoah, un enfant et sa peluche

C’est l’histoire de la transmission de la mémoire, et de cette lutte constante pour que jamais l’on n’oublie. Car l’oubli resterait le premier pas vers la certitude que l’Histoire peut se reproduire. Fred Lessing était un petit garçon, quand il quitta la Hollande pour les États-Unis. La Seconde Guerre mondiale venait de finir. Et avec elle, un lot d’atrocités

On peut être agacé de ce qu’impose le devoir de mémoire – voire de l’entendre brandi à tout instant. Et cela peut même être dit, sans qu’il soit nécessaire de brandir des accusations idiotes. Car le devoir de mémoire n’implique pas, justement pour toucher et inciter à se remémorer, qu’on le fasse entrer, de force, avec un martèlement constant. En fait, c’est dans ces conditions qu’il ne sert à rien…

Fred était donc un petit garçon, et, durant toute la guerre, il avait avec lui un ourson – sans nom, d’ailleurs. Évidemment, Fred est juif, et, à cette période, l’enfance est sacrifiée, piétinée par le bruit des bottes. Et tout le récit est mené par l’ourson, qui raconte combien il fut choyé par Fred, comment tous deux se tinrent compagnie, même dans les plus douloureux moments.

Ce livre est né de la volonté de perpétuer un souvenir, celui d’un garçon et de son doudou, mais également de pouvoir parler de l’enfance, durant cette période. L’ourson est bien réel d’ailleurs, on peut le retrouver dans le musée de Yad Vashem, à Jérusalem, à qui Fred l’a confié, voilà quelques années. C’est qu’il n’y avait avant pas de jeu d’enfants…

Et puis Iris Argaman a découvert cet ourson, Fred et leur relation. Michel Kichka en dit que « L’Ourson de Fred est un objet complet où le texte et le dessin sont indissociables. Il appartient à cette catégorie, la plus élevée de la littérature enfantine, où les mots et les images transforment le drame vécu en une création d’une grande sensibilité et d’une grande beauté ».

C’est avant tout un récit magnifique, pour parler des drames, de la solitude, des familles brisées par la guerre et le nazisme, la déportation. C’est avant tout une histoire universelle, celle d’un enfant et de son ami imaginaire – pas tant que cela, en rélité – à ses côtés pour surmonter les pires moments. C’est une belle histoire. Avant tout.

Florent D – ActuaLitté – septembre 2017

Émission « Au bonheur des livres » de Michèle Tauber sur Radio Judaïque FM. Présentation de L’ourson de Fred et entretien avec l’auteure Iris Argaman. Le 6 septembre 2017 à 21h.

 

« La Joconde de Yad Vashem », c’est ainsi qu’on désigne l’ourson de Fred. Iris Argaman, Avi Ofer, Livia Parnes et Pierre-Emmanuel Dauzat ont été reçus par Marc-Alain Ouaknin dans son émission les Tamuldiques sur France Culture le 17 septembre 2017.

À écouter en podcast sur le site de France Culture. Pour cela veuillez cliquer ici.

 

Pierre-Emmanuel Dauzat, co-traducteur de L’ourson de Fred reçu par Patricia Drai, avec la complicité de quatre collégiennes – Salomé, Mayaan, Abigaël et Eva –, dans son émission « Entre vous & moi » sur Radio Judaïca Lyon, diffusée le mercredi matin et rediffusée le dimanche soir à 20 h.