Dans la chronique « Le choix des libraires » Cyril Dewavrin de La comédie humaine d’Avignon présente Le voyage de Magellan (1519-1522). La relation d’Antonio Pigaffeta & autres témoignages. Diffusé le 26 avril 2018. Ci-dessous le podcast :

https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/saison-10/490979-visitez-la-librairie-la-comedie-humaine-d-avignon.html

 

 

 

 

 

 

Au fond, c’est à cause de lui que le monde est tel qu’il est: globalisé, fini, circumnavigable. Mais on n’en sait guère long sur sa personne. Date de naissance inconnue. Lieu de naissance inconnu, même si le village portugais de Sabrosa attire aujourd’hui les touristes avec une plus que fantaisiste «maison natale» de Magellan. Visage inconnu (le fameux «portrait» a été peint plus de quarante ans après sa mort). On ne trouve sûre trace de lui qu’à partir de 1505, lorsqu’il s’enrôle dans la flotte portugaise pour aller batailler aux Indes. Il meurt en 1521. C’est assez pour clore le monde et devenir le plus fameux navigateur de tous les temps. Voilà, sur deux magnifiques volumes, retracé son voyage légendaire: non seulement le récit originel de son compagnon de route Antonio Pigafetta mais, rassemblés ici pour la première fois, tous ceux des témoins d’alors. Avec passion, Michel Chandeigne (alias Xavier de Castro) compare les sources, traque erreurs et approximations, s’étonne au passage qu’il en circule tant sur ce sujet depuis rebattu. Miracle de cette joyeuse-érudition: le lecteur a le sentiment de redécouvrir cette découverte du monde. Magellan n’était pas parti pour en faire le tour, comme on le croit souvent, mais afin d’ouvrir une route commerciale pour les Moluques (dans l’actuelle Indonésie). Ces îles sont alors le centre mondial de production du clou de girofle, épice des plus précieuses à l’époque. Portugais ayant trahi son roi par dépit, il est allé proposer ses services au roi d’Espagne Charles Ier, lui promettant qu’il trouverait un passage par l’ouest, en ne naviguant que sur l’hémisphère sous contrôle espagnol (le Portugal s’était adjugé l’autre). Cachant à son équipage sa véritable destination et l’ampleur des dangers encourus, il affrète cinq navires. 237 hommes à bord (et pas une femme, évidemment), dont seuls 91 reviendront. Le voyage connaîtra tous les coups du sort, toutes les cruautés et tous les émerveillements: tempêtes et «corps de saint Anselme» (phénomènes électriques) qui terrorisent l’équipage, poissons qui volent, «dont nous vîmes ensemble une si grande quantité qu’il semblait que ce fût une île en mer», mutinerie matée dans le sang au large de la côte patagonique, naufrage d’un des navires, découverte du fameux détroit déclenchant les pleurs de joie du capitaine-général, puis traversée de l’interminable mer pacifique jusqu’alors jamais conquise, en trois mois et vingt jours, rencontre étonnée des indigènes et de leurs mœurs «sauvages» (comme les piercings sexuels des gens de Cebu), etc.

Pour finir, Magellan meurt bêtement en allant brûler un village indigène au nord des Moluques. Brutal épilogue qui nous rappelle que son expédition n’était pas mue par l’amour de la science et de la géographie: il ne s’agissait pas tant de découvrir le monde que de le dominer. Conquérir, imposer sa loi, commercer à son propre avantage, soumettre, une vieille histoire neuve.

Jean-Luc Porquet – Le canard enchaîné – décembre 2007

 

Il aura fallu quinze ans pour que la “Magellane” ait enfin son Magellan. Fondée en 1992, en même temps que les éditions Michel Chandeigne, cette collection de récits de voyages du XVe au XVIIIe siècles attendait son point d’orgue. Elle l’a trouvé avec le Voyage de Magellan (1519-1522), deux superbes volumes qui rassemblent, pour la première fois, les récits des protagonistes de la plus extraordinaire aventure maritime de l’histoire.

Même si son nom reste associé à une aventure qui marqua profondément son époque, on sait bien peu de choses de Fernand de Magellan, parti de Séville un 10 août 1519 à la tête de 5 navires et mort le 27 avril 1521, dans un combat désespéré contre les indigènes de l’île de Mattan (actuelles Philippines). Sa renommée est assise sur un malentendu: il reste pour l’éternité l’artisan du premier tour du monde, alors que son objectif de départ était simplment de trouver un passage au sud de l’Amérique pour rejoindre par l’ouest les Moluques, archipel indonésien qui était alors le producteur exclusif de clous de girofle. Les aléas du voyage, l’immensité du Pacifique et l’effrayante mortalité à bord des navires forcèrent les membres de l’expédition à retourner en Espagne par le cap de Bonne-Espérance, alors qu’il n’était pas question à l’origine, de s’aventurer dans la sphère portugaise. Ainsi l’exploit des hommes de magellan était tout sauf planifié…

[…] Le résultat est ce superbe coffret, magnifiquement édité. Michel Chandeigne a eu une formation de typographe: il a composé lui-même le texte, ça se voit!

 

 

 

Dans le port de Séville, le 19 août 1519, cinq navires emportent à leur bord 237 marins. Destination: les iles Moluques, particulièrement recherchées pour leurs épices. Chef d’expédition: Fernand de Magellan, navigateur portugais tombé en disgrâce auprès de la cour de son pays et qui devint le conquistador de Charles Quint. Cherchant à ouvrir une route par l’ouest et à trouver un passage au sud de l’Amérique latine, il découvre le détroit qui portera dorénavant son nom. Mais Magellan sera tué par une flèche empoisonnée aux Philippines en 1521. Seuls trente-cinq hommes de l’équipage reviendront vivants de ce premier tour du monde à bord du Victoria. Pour les amoureux d’érudition et de malles au trésor, de bruits de cordage et de frissons d’abordage, de mutineries, d’anthropologie et de cartographie, Le Voyage de Magellan (1519-1522) est une félicité. Composé du journal de bord du jeune Italien Antonio Pigafetta et d’autres témoignages, cet ouvrage savant offre la rigueur des sources sans toutefois altérer le plaisir de revivre, ce que l’écrivain Stefan Zweig appelait “la plus magnifique odyssée, peut-être, de l’histoire de l’humanité». Cela dit, l’éditeur a raison de rappeler que Magellan, «n’a pas voulu prouver que la Terre était ronde – connaissance acquise depuis les Grecs -, mais il a montré qu’elle était circumnavigable», c’est-à-dire qu’on pouvait en faire le tour. Cartes originales et détaillées de l’itinéraire, magnifiques reproductions des globes de Johannes Schôner et autres planisphères d’époque nous plongent dans une épopée extraordinaire, que cette édition replace dans toute sa dimension littéraire.

Nicolas Truong – Le Monde de l’éducation – Décembre 2007

 

 

Ce tour du monde réussi par Fernand de Magellan constitue la plus fascinante aventure maritime de tous les temps: la navigation fut ponctuée de trahisons, mutineries, tempêtes, naufrage, inanition, drames.

Michel Chandeigne, libraire, éditeur et grand spécialiste de la littérature lusitanienne, qui utilise ici le pseudonyme de Xavier de Castro, et l’historienne hispaniste Carmen Bernand ont consacré cinq ans de recherches au découvreur portugais. Le résultat est un ouvrage de 1 100 pages, publié en deux volumes, abondamment illustré. Les auteurs ont compulsé toutes les sources relatives au premier tour du monde, ont comparé et recoupé les documents. Dans certains cas, ils se limitent à proposer des hypothèses. Le récit de Pigafetta est analysé d’après les quatre manuscrits existants. Quatre-vingts hommes survécurent sur les deux cent trente-sept marins partis de Séville. Les témoignages recueillis à leur retour sont publiés, ainsi que les lettres du capitaine qui, aux Moluques, captura l’équipage du San Antonio. Ce livre dans le livre ajoute au caractère incontournable et définitif de ce splendide ouvrage.

Jean-Michel Barrault – L’express – Décembre 2017