État jésuite pour Indiens convertis
«Les ouvrages consacrés à l’extraordinaire expérience religieuse et sociale réalisée par les pères de la Compagnie de Jésus au Paraguay pendant plus d’un siècle et demi sont extrêmement nombreux », note Jean-Paul Duviols. En fallait-il vraiment un de plus ? Oui : car ce livre-ci est érudit et passionnant. S’appuyant sur des témoignages, des lettres et des écrits d’époque, émanant en particulier des missionnaires — « toujours prêts à périr sous une grêle de flèches ou sous les massues des sauvages » —, il permet une plongée au cœur des « réductions » — « le royaume de Dieu sur la terre » — et de leurs sujets, les Indiens Tupi-Guarani. « Bien disposés », « dociles à l’évangélisation », lit-on ici. Mais… « impossible d’obtenir que, dans leur absolue paresse, ils sèment du maïs dans un ou deux champs de dix-huit pas », apprend-on là. Ce sont « de grands enfants, ils ne savent pas faire bon usage de leur liberté »… Ils sont punis par le fouet, la prison et le cep.
Trente « missions », près de 150 000 indigènes pendant la période la plus faste… Les partisans de la « légende dorée » et ceux de la « légende noire » s’affrontent encore : République indépendante dont le but était la protection des autochtones ou univers concentrationnaire dans lequel « tout était réglé, jusqu’à l’habillement » ? Sans prendre parti, l’ouvrage propose les éléments du débat — et une superbe iconographie.
Maurice Lemoine – Le Monde diplomatique – Juillet 2024
Les Indiens et les missionnaires jésuites
Une anthologie de témoignages et une abondante illustration rendent compte des jugements portés sur les Indiens par les jésuites, de la vie quotidienne dans les réductions et des appréciations contradictoires.
Au Paraguay, entre 1610 et 1767, les jésuites ont établi une véritable utopie sociale pour des Indiens issus de territoires encore épargnés par la colonisation espagnole. Dans les villages créés, la colonisation s’est voulue << douce», entre évangélisation par la persuasion et vie confortable.
Dans ce très beau livre, Jean-Paul Duviols nous plonge au cœur des relations entre Indiens et missionnaires. On découvre la vision ambivalente que les jésuites avaient des Indiens, parfois admirés, mais souvent rabaissés à des « barbares » sans Dieu, ou de grands enfants. Un récit et une anthologie, dont il manque, signale bien l’auteur, » la parole des Indiens eux-mêmes, qui n’a jamais été recueillie ».
Théo Moy – La Croix – Mars 2024