Il pleut des Tuiles
En 1860, Camilo Castelo Branco est un écrivain célèbre au Portugal, au point d’être comparé à Balzac. Il est aussi fou amoureux d’Ana, une femme mariée à un riche brésilien, et paiera sa passion de 1 an de prison pour “adultère”. “j’aurais dû dire pourquoi j’ai été emprisonné un an et seize jours. Je ne l’ai pas fait et je ne le fais pas aujourd’hui, parce qu’en vérité je ne le sais toujours pas“, écrivit-il à la fin de ses Mémoires de prison. En tout cas, pendant ces mois, il observe ses compagnons de cellule et ” en tire une série de portraits relatant les pitoyables forfaits de ses codétenus”, raconte son traducteur, João Viegas, avocat en France. Sans la taule, jamais Camilo n’aurait connu José do Telhado (José Les tuiles), intrépide hors-la-loi. Méprisé, banni, torturé, ce José fut en prison un immense bienfaiteur pour tous les nécessiteux et finit sa vie ruiné et déporté. Révolté, Camilo note : “Voler industriellement, c’est du génie, mais piller (…), c’est du vol. Ceux qui suivent la première voie trébuchent sur les honneurs, les titres, les flagorneurs. Ceux qui suivent la seconde s’écrasent contre plus de 170 articles du code pénal.” Très proche de notre “qui vole un pain va en prison, qui vole un boeuf va au Palais-Bourbon”. Et toujours d’actualité.
Quant à Paula, “16 ans ! Belle ! Mère ! Et infanticide !“, elle est morte après quinze jours de cellule et de larmes sans prononcer un mot. Servante chez un jeune couple, engrossée par le mari, chassée de partout, elle accoucha d’un mort né. “Elle l’a tué, la sans coeur!” clamèrent ses horribles voisines. Paula fut expédiée au trou. Pas son amant, “aujourd’hui comblé, on pouvait le voir, hier, au théâtre lyrique“. Conclusion de Camilo, la rage au coeur : “Gloire à Dieu, dans les hauteurs ! ”
Dominique Simonnot – Le Canard Enchaîné – Avril 2017