Christine Ferniot et Michel Abescat présente Mort sur le Tage dans leur émission Cercle Polar. À partir de la dix-huitième minutes. Diffusé le 2 novembre 2017.

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Dans les eaux troubles du Tage

Mort sur le Tage, le premier polar de Pedro Garcia Rosado publié chez Chandeigne, plonge dans les tréfonds de Lisbonne. Corruption, fractures sociales, crimes impunis… Un homme seul résout le puzzle.

MÊME AU PAYS de la saudade, à la mesure de la crise ambiante dont il est le chroniqueur, le roman noir est en grande forme. Mort sur le Tage, le titre français du polar de Pedro Garcia Rosado, ne rend pas justice à l’original, Oulianov et le Diable, dommage ! Mais il fait entrer le roman noir aux éditions Chandeigne. Des variantes du sinistre Styx Lisboète, Pedro Garcia Rosado maîtrise la dramaturgie, possè- de l’art du portrait, dépeint avec précision les humeurs du fleuve qui donne son caractère à la capitale portugaise. Le Tage est l’un des protagonistes de l’histoire, ce face-à- face entre Oulianov et le Diable sur lequel plane une dimension métaphysique. « Lisbonne, comme il [ndlr : Serguei Den i s o v i t c h a l i a s Oulianov, nom de guerre d’un exagent du KGB et exprisonnier à Lisbonne] le constate tous les jours, est un vé- ritable fleuve souterrain plein de surprises, un piège fait de cours d’eau qui semblent tous être de minuscules variantes du sinistre Styx, la voie qui mè- ne à l’enfer de la mythologie gréco-romaine. » Germaniste et journaliste, Pedro Garcia Rosado est l’auteur d’une importante œuvre au noir, inspirée des scandales qui rythment l’actualité portugaise. L a métaphore opère : en fouillant les sous-sols de Lisbonne, ses couloirs souterrains fluviaux, le Russe exhume la pourriture, les corps sales… Mais aussi la corruption et les crimes impunis commis par les deux fils délinquants sans morale d’un influent homme d’affaires, Salvador Teles. Quand on sait que ce dernier a quasiment déshérité ses rejetons, on comprend beaucoup de choses. Les vernis craquent, les collusions entre milieux politiques et d’affaires sont mises au jour. Au prisme du personnage d’Oulianov, c’est aussi l’histoire de l’effondrement de l’URSS qui reflue. C’est tout l’art de Pedro Garcia Rosado d’embrasser les mutations socio-économiques qui touchent son pays et d’ouvrir la focale sur une géopolitique plus large. Au révélateur du crime Sauvagement assassinée, Irina, la sœur d’O ulianov, est l’aiguillon du roman noir. Son corps largué en mer n’a pas refait surface… Seuls des filaments de cheveux blonds, du sang et des fragments de peau ont été retrouvés au bord du fleuve, près du Cais do Sodré, sur le quai après le bâtiment de la mairie. À proximité du futur Centre nautique de Lisbonne, dernier projet de l’entrepreneur Salvador Teles. Autour de la mort d’Irina se tisse un écheveau d’intrigues aux rebondissements inattendus. À l’instar du passé d’Oulianov, d’anciennes sombres histoires refluent. Le crime, en tant que révélateur et scalpel, permet de désosser la société, impose sa ligne tendue. Au-delà des faits, il y a la vérité du roman écrit par Pedro Garcia Rosado. Qui structure son récit autour de puissantes figures romanesques, très cinématographiques. Donnant à chaque protagoniste une véritable existence. Le diable se cache dans les détails. Polar choral, Mort sur le Tage coud dans la même déchirure l’assassinat des âmes et des corps.

Veneranda Paladino – Dernières Nouvelles d’Alsace – Novembre 2017

Une femme cherche à fuir d’une embarcation sur le Tage. Poursuivie par deux hommes, elle est finalement battue à mort sur la rive et abandonnée là. Dans la nuit, cependant, une ombre a tout vu.

Evgueni, immigré russe de Lisbonne recherche désespérément sa petite amie, Irina. Il finit par s’adresser au frère de cette dernière, Sergueï, dit Oulianov, ancien du KGB et des spetsnatz, ex-membre d’une petite bande mafieuse russe qui a vainement tenté de s’implanter à Lisbonne, sorti depuis peu de prison.

Lourenço et Alberto, sont les fils de Salvador Teles, richissime homme d’affaires lisboète. La quarantaine bien sonnée tous les deux, ils ne sont que des faire-valoir pour leur père, deux fils à papa sûrs de leur impunité. Lancés avec leur cousin dans des tournages de films pornographiques sado-maso, leur dernière production a cependant dérapée. Une femme est morte. Une russe.

Mort sur le Tage, on l’aura compris, n’est pas un whodunit. Pas question ici de chercher les coupables du crime, ni même la victime ; nous les connaissons depuis le début. La question est plutôt de savoir si et comment les assassins vont tomber et quel rôle jouera précisément Oulianov dans cette éventuelle chute.

Surtout, cette traque doublée des efforts des deux frères pour effacer leurs traces et ne rien laisser deviner de leurs exactions à leur père, est l’occasion pour Pedro Garcia Rosado, de montrer l’envers du décor de la capitale portugaise. Le monde des immigrants d’Europe de l’Est exploités, celui des nantis et de leurs formidables capacités de corruption d’une administration peu regardante, celui aussi d’une ville souterraine que ses habitants ignorent, comme une métaphore d’un passé enfoui que les caprices du fleuve font cependant parfois ressurgir de force.

C’est là, plus que dans une intrigue linéaire, bien menée mais sans grandes surprises, que réside le grand intérêt de Mort sur le Tage, et aussi dans la façon dont Pedro Garcia Rosado s’emploie, d’Oulianov aux frères Teles, en passant par l’inspecteur Moura et son temps de retard qu’il ne parvient jamais à rattraper, à camper des personnages complexes, tiraillés entre leurs pulsions et leur raison, écrasés parfois tout simplement par ce qu’ils sont ou ce que leurs vies ont fait d’eux.

C’est peu dire que le roman noir portugais est rare chez nous. Aussi ne peut-on que saluer les éditions Chandeigne de lui faire une place dans leur Bibliothèque lusitane et, ce faisant, de nous offrir un autre éclairage sur la société portugaise contemporaine.

Pour toutes ces raison, Mort sur le Tage mérite d’être lu.

Yan Lespoux – Blog Encore du noir ! – 18 décembre 2017

Un long fleuve tranquille

Deux frères font la bringue. Violente et décomplexée, cette fête triste tourne mal pour la jeune femme qui les accompagne, Irina, prostituée de son état, russe d’origine. Le meurtre, sordide, est aperçu par un témoin, marginal de cette société, rattrapé alors par un dur principe de réalité : témoigner ou non ? Irina, elle, laisse un frère aimant mais surtout ancien des spetznatz, les forces spéciales russes, qui ne veut pas laisser la mort de sa soeur impunie.

Tableau remarquable et crépusculaire de Lisbonne, ce roman est surprenant en plusieurs points puisqu’il nous montre la capitale portugaise très loin des images d’Épinal qui peuvent peupler les communications commerciales à vocation touristique, illustrant par ailleurs la situation sociale et économique du Portugal actuel, sans concession misérabiliste.

En outre, il signe l’entrée de Chandeigne – maison connue pour son catalogue lusophone plutôt classique (on y trouve la poésie de Pessoa, entre autres) – dans le monde du polar, avec ce roman percutant et nuancé, où la veulerie des agresseurs n’a d’égal que la corruption rampante rongeant les institutions de la capitale. Comme dans tous les grands romans urbains, la ville semble battre au rythme des turpitudes de ses habitants, avec, ici, une artère principale nommée Tage.

(Au risque d’insister, le portrait des deux frères, Alberto et Lourenço, est absolument brillant, tant ils sont convaincus de leur impunité, caché derrière leur situation sociale et financière.)

Olivier Pène – Junkpage – 1 décembre 2017

L’avis de Quatre Sans Quatre

Lisbonne underground…

D’abord, il y a le Tage, à la fois cloaque d’une Lisbonne ravagée par la crise et fleuve indolent et majestueux qui traverse la ville, insensible aux injures quotidiennes que lui infligent les humains qui peuplent ses berges. Puis il y a les prédateurs et les proies qui s’y croisent la nuit, les victimes, les violeurs, les agresseurs, les assassins et les drames qui se succèdent dans les détritus qui surnagent aux abords des rives. Avec le jour levant, un pêcheur qui découvre quelques gouttes de sang, une touffe de cheveux et une partie de scalp…

Enfin, il y a la Bête, le Diable, silencieux, ombre sous la ville, prince de l’obscurité, il voit mais n’intervient pas. Du moins jusqu’à ce qu’il observe Alberto et son frère Lourenço s’acharner sur Irina, une jeune prostituée russe. Les ténèbres sont son royaume, son fief, il voit et sait tous les secrets des nuits criminelles aux abords du Tage.

Alberto et Lourenço ne sont pas des représentants de la mafia locale, tout au plus de riches oisifs meublant leurs vies de tournages de films pornos amateurs, de “rodéos” durant lesquels, en compagnie de leur cousin Rick, ils baisent en roulant dans la ville les femmes qu’ils paient pour les tournages et, à l’occasion, quelques filles, pas toujours consentantes, qu’une poignée de billets ou une correction ramènent à la raison. Ils ont la sauvagerie de la bêtise et de l’immaturité qui se sait intouchable. Mais cette nuit-là, ils sont allés trop loin.

Leur père, Salvador, puissant et influent industriel n’a plus aucune confiance en eux depuis qu’il a dû les tirer d’un bien mauvais pas des années auparavant. Un viol brutal, sauvage, dont il leur a épargné les conséquences en les envoyant quelques années en Argentine sur les propriétés de sa belle-famille. Quand ils furent rentrés à Lisbonne, il les a établis sans les associer à ses affaires. Lourenço travaille avec lui dans la société de travaux publics qu’il a créée afin de s’occuper, à un poste qu’il est bien incapable d’assumer et Salvador a acheté pour Alberto un restaurant et une discothèque, ainsi qu’une société multimédia qu’ils ont en cogérance et dont ils se servent de la façade pour tourner leurs productions de pornos de bas de gamme malgré les moyens financiers qui sont les leur.

Mais ni l’éloignement ni l’âge ne les ont assagis. Un “rodéo’” qui tourne mal et les voilà de nouveau en grand danger, surtout qu’il y a eu assassinat cette fois-ci…

Hors de question de passer par papa pour effacer l’ardoise une nouvelle fois, il ne passera pas sur un crime d’une telle ampleur alors qu’il est sur le point de finaliser un énorme chantier en partenariat avec la mairie de Lisbonne, corrompue du haut jusqu’en bas comme il se doit. Il les a déjà quasi déshérité en dispersant son empire avant sa retraite, ne gardant qu’une entreprise de construction prospère qu’il compte vendre également avant de se retirer définitivement en Argentine avec son épouse. Ils vont donc tenter de se débrouiller seuls et ce n’est pas la meilleure idée de leurs existences, si tant est qu’ils en aient eu de bonnes un jour. Alberto est plus sûr de lui, incontestablement il est le leader, ressemble un tout petit peu à son père, Lourenço, plus proche de sa mère, suit sans trop réfléchir aux conséquences. Deux gosses de riches suant la suffisance et l’incompétence.

Malheureusement pour Alberto et Lourenço, Irina a un frère, un ancien soldat d’élite de l’ex KGB, les fameux spetsnaz, héros de l’Union Soviétique, vétéran de guerres secrètes, ayant pour pseudonyme Oulianov – le vrai nom de Lénine – et patronyme Tchekhov. Bref, un sérieux client qui va se mettre en chasse pour retrouver sa soeur, puis le cadavre de celle-ci une fois convaincu qu’elle a laissé sa peau et, bien évidemment ses tortionnaires. Militaire surentraîné, il a suivi un ex officier de l’Armée rouge devenu truand dans son exil volontaire au Portugal, a fait un peu de prison et survit désormais en travaillant comme manoeuvre sur le chantier du métro lisboète. N’ayant rien à perdre, il n’hésitera pas à plonger dans les entrailles de la ville, au coeur du royaume du diable afin de comprendre ce qui est arrivé à Irina.

Pedro Garcia Rosado anime avec force ses personnages, il les fait glisser sur une pente fortement savonnée depuis le début. Depuis bien avant le commencement du roman, depuis presque les premiers cris des deux frères et les premiers pas d’Oulianov et d’Irina. Il décrit minutieusement les rouages de la machinerie mise en place par l’absence de conséquences du crime primitif, le sentiment d’impunité de deux oisifs, pas très malins, sûrs de leur impunité et de leur intelligence d’un côté, et la chute de l’URSS, la fin des idéologies traçant les frontières entre le bien et le mal, la déshérence du soldat d’élite entraînant sa soeur dans un ailleurs meilleur…

Alliances, trahisons, mensonges, manipulations, bévues, coups de théâtre, rien ne sera épargné aux protagonistes de ce superbe roman passionnant de bout en bout, l’analyse psychologique n’altère pas le rythme et l’action, le suspense n’empêche pas Rosado d’aller au plus intime de ses personnages.

J’ai senti comme un parfum de Notre-Dame de Paris, le roman de Victor Hugo, dans ce récit, Lisbonne y est exploitée dans toutes ses dimensions, du sous-sol aux étages luxueux des bureaux de direction, mais aussi sociales, politiques, morales, et puis il y a ce diable qui règne dans les profondeurs de la capitale portugaise et pour y comprendre quelque chose, il vous faudra lire ce superbe roman très noir qui, de l’Angola aux conflits secrets des ex-républiques soviétiques ou en Tchétchénie, décrit encore une fois, et de belle façon les séquelles du passé et leurs conséquences.

Alors qu’il est en train de faire un magnifique pied-de-nez aux tenants des politiques d’austérité en Europe, le Portugal démontre également à travers ses écrivains qu’il recèle des richesses trop peu souvent mises en avant. Mort sur le Tage en est un excellent exemple.

Patrick Cargnelutti – Blog Quatre sans Quatre – 12 décembre 2017

 

Le Tage a mal

Pedro Garcia Rosado nous propose, avec ce roman dont le titre n’est pas sans rappeler l’une des fameuses enquêtes d’Hercule Poirot, une intrigue classique dans la cité lisboète, mais avec une population à laquelle on n’est que très peu habitués. L’immersion est totale, le dépaysement aussi même si, paradoxalement, on découvre avant tout une métropole européenne avec ses bas-fonds, sa pègre, ses trafics et son immigration de l’ex-bloc des pays de l’Est.

Mais Lisbonne c’est avant tout une ville millénaire bâtie aux abords du Tage dans des zones marécageuses asséchées péniblement. Des Phéniciens et des Romains, il ne reste que des décombres et des galeries souterraines d’où surgit une puanteur certaine. Le fait divers qui va inaugurer le roman est basique et sordide : une jeune femme aux origines slaves, prostituée, qui a tourné dans des films pornographiques, est violentée par deux frères dans une embarcation. Elle croit pouvoir s’échapper mais est sauvagement assassinée à l’aide d’une ancre marine. Les deux frères paniquent et abandonnent le corps… au Diable en personne ! Il est temps de donner une identité à cette jeune femme qui traversera de façon sacrilège le roman. Irina est la sœur d’Oulianov, un ancien colonel du KGB qui, arrivé au Portugal, a versé dans un gang avant de payer sa dette à la société en trahissant les siens. Depuis, il vivote avec des yeux dans le dos car sa vie ne tient qu’à un fil. C’est lui qui va mener l’enquête à l’instigation du compagnon d’Irina, russe comme eux, qui s’est inquiété à juste titre de sa disparition. Petit à petit, dans un roman aux multiples personnages, des personnalités vont apparaître et se révéler. Hormis les deux frères bannis, qui ont déjà par le passé commis un crime identique, prouvant par là-même que toute notion de rédemption leur est exclue (quoique l’un des deux, le plus coupable dans les faits, est peut-être le moins moralement), il y a le personnage de José Moura, “inspecteur avec de nombreux numéros de téléphone” et celui du “Diable”. Le premier est celui qui a recueilli par le passé les confessions d’Oulianov et qui va devoir recomposer avec lui au cours d’une enquête sanglante. Le second est l’incarnation des soldats oubliés de l’Angola (où il a perdu un œil et la raison).

Il y a de la misère, de la corruption, de la violence, de l’abandon et beaucoup de désenchantement dans Mort sur le Tage, et Pedro Garcia Rosado redonne vie à des éclopés de la vie oubliés de la société avec beaucoup d’attention.

Julien Védrenne – K-Libre – décembre 2017

Un por­trait au vitriol de la société lisboète

Maria João tente de sur­vivre après avoir été vio­lée par trois gar­çons. Mais la mort la rat­trape.
Au milieu du Tage, une femme se défend, hurle, frappe Lou­renço alors qu’Alberto, qui ne peut lâcher les com­mande du petit canot, lui crie de ne pas la lais­ser s’échapper. Elle réus­sit à sau­ter, à rejoindre la rive cepen­dant rat­tra­pée et frap­pée avec l’ancre. Elle est lais­sée pour morte. Une ombre a assisté au drame, une ombre qui emporte le corps de la femme. Alberto et Lou­renço sont les fils de Sal­va­dor Teles, un puis­sant indus­triel. Ils sont très inquiets après les évé­ne­ments de la nuit. Et cette fois-ci, ils ne pensent pas être sau­vés par leur père qui avait fait étouf­fer l’affaire de l’assassinat de Maria João. Ils font par­tie de la jeu­nesse dorée de Lis­bonne et avec Rick, leur cou­sin, un acteur de seconde zone ; ils tournent des films por­no­gra­phiques.
Cette femme est fian­cée à Evgueni, un gar­çon qui s’inquiète quand elle n’est pas au rendez-vous, qu’elle reste introu­vable. Il contacte Oulia­nov, le frère d’Irina, un tai­seux au passé tour­menté. Celui-ci, après être passé par les ser­vices spé­ciaux de l’URSS, l’armée a fini dans des com­bines cri­mi­nelles, fait de la pri­son et se terre au Por­tu­gal comme ouvrier. Pour retrou­ver sa sœur, il doit sor­tir de l’ombre et renouer avec des réflexes d’enquêteur.

Pour construire son intrigue, le roman­cier mise sur les règles du roman cri­mi­nel inversé dont tout l’enjeu est de savoir si le, ou les, cou­pables pour­ront échap­per à la jus­tice, au châ­ti­ment. Il les place dans les milieux aisés de la capi­tale, dans le milieu des affaires. Il décrit Lis­bonne et son évo­lu­tion, les quar­tiers en muta­tion. Il expose les construc­tions nou­velles, les tra­vaux d’infrastructure et ce qu’ils génèrent comme magouilles et mal­ver­sa­tions, pots de vins et cor­rup­tions en tous genres.
Trois par­cours prin­ci­paux struc­turent le récit. Celui des deux frères qui peu à peu se sentent cer­nés par des forces incon­nues et qui tentent de des­ser­rer l’étau. Ceux qui portent le glaive de la jus­tice, que ce soit la police, jus­ti­cier offi­ciel ou un ex-assassin qui mène sa ven­detta. Lis­bonne s’installe à côté de ce trio et occupe une place entière de personnage.

Le roman­cier dresse une gale­rie de por­traits remar­quables dans leur noir­ceur. Peu méritent être sau­vés. Sal­va­dor Teles, un grand capi­taine d’industrie qui a eu l’opportunité d’épouser une riche héri­tière mais qui a su faire pros­pé­rer l’argent de son beau-père pro­fi­tant du réseau qu’il avait créé quand il était mili­taire. Les deux fils dont leur père doute de leurs capa­ci­tés au point de les lais­ser avec des “jou­joux”, pré­fé­rant vendre son empire. L’immigrant russe au passé cri­mi­nel chargé, même s’il tuait dans une cer­taine léga­lité. Et puis toute une équipe de fonc­tion­naires muni­ci­paux qui doivent arron­dir leurs fins de mois, de poli­ciers plus ou moins cor­rom­pus. Et puis, une ombre qui hante la nuit.

Tout ce petit monde s’agite dans Lis­bonne, de la Jet-set aux sous-sols inex­plo­rés, des cou­loirs des admi­nis­tra­tions aux bords du fleuve. Pedro Gar­cia Rosado pro­pose un roman fort, âpre, à l’intrigue raf­fi­née met­tant en ten­sion un récit attrac­tif servi par une théo­rie de pro­ta­go­nistes bien campés.

Serge Per­raud – LeLittéraire.com – Novembre 2017

Comme un son, au loin. Le cliquetis des vaguelettes qui disparaissent contre les bords du Tage, que surplombe le grand pont de Lisbonne, d’acier et de câbles. Sur cette rive, a été agressée mortellement une jeune russe, prénommée Irina. Ces assassins, deux frères issus d’une famille aisée de la ville lisboète, ne sont autres que Lourenço et Alberto ; des « fils à papa » que la famille sustente, que les parents protègent, comme déjà une première fois par le passé.
Une ombre plane aux alentours, une ombre qui croise le regard froid et au bord de la mort d’Irina, une ombre qui l’emmène avec elle, dans son monde noir, caché dans les sous-sol de la ville.

La disparition d’Irina intrigue et inquiète son entourage : d’abord son fiancé, puis son frère, Oulianov, ex-agent du KGB, puis ex-prisonnier à Lisbonne. Au fur et à mesure de ses recherches, Oulianov va mettre en exergue les fréquentations de sa sœur, son entourage, ses activités licites et illicites. Sa quête de la vérité va gêner et provoquer des vagues de violence, d’autres morts.

C’est alors qu’Oulianov décide de mener l’enquête, lui, se soustraire à la police, en partie corrompue ; il veut savoir ce qui est arrivé à sa sœur, qui a osé lui infliger un tel châtiment… Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’ombre souterraine va le guider, l’assister, après un apprivoisement somme toute assez musclé. Au cœur des dessous de la ville, il a été ce témoin, celui qui a vu, celui qui sait… Lui, dit « Le Diable »…

Il est ici question de corruption, de trafics en tout genre, de violence, d’abus de pouvoir. Les personnages, aussi bien centraux que secondaires, sont très bien dessinés ; qu’ils soient lâches ou courageux, leurs profils psychologiques sont remarquablement étudiés. Et c’est en plein cœur de Lisbonne que ces différents milieux sociaux se côtoient, se heurtent, se piétinent…

Tel un « Columbo » à l’ancienne, la victime et ses assassins sont connus dès les premières pages. Toute l’intrigue tourne autour du déroulement de l’enquête, qui n’est pas menée par un policier mais par le frère de la défunte, ex-membre du KGB. Cette inversion des valeurs marque dans ce roman policier une véritable cassure avec le concept habituel.
Une ambiance lourde et mystérieuse plane autour de cette histoire et de ces personnages, accrue par la présence fantomatique de cette ombre qui rôde…

La découverte de la belle Lisbonne ne sera pas à attendre de ce polar, qui n’a rien à envier aux autres œuvres policières « classiques ». Pedro Garcia Rosado nous raconte ici une grande et remarquable histoire, qui nous balade du Cais Do Sodre au Parc Eduardo VII…, noire, labyrinthique. Une plume qui vous marquera au fer rouge…

Je remercie très chaleureusement les Editions Chandeigne ainsi que la librairie Portugaise et Brésilienne, qui m’ont donné la chance de découvrir Pedro Garcia Rosado. Et même si les lecteurs portugais font encore preuve de quelques réticences vis-à-vis des écrivains de polars lusophones, celui-ci mérite une belle place en tête de podium.

Elisabeth Alves – Blog Littélecture – 3 novembre 2017

Jacques Lerognon présente Mort sur le Tage dans l’émission La Noir’Rôde. Diffusée le mercredi 18 octobre à 18h30.

À l’occasion de la publication du roman noir Mort sur le Tage de Pedro Garcia Rosado, Mathilde Parra de Radio Aligre reçoit l’auteur portugais dans son émission Lusitania. Diffusé le samedi 7 octobre de 18h à 19h.

Entretien en portugais avec Pedro Garcia Rosado auteur de Mort sur le Tage sur Radio Alfa dans l’émission “Passage à Niveau” animée par le journaliste Artur Silva. Diffusion 1/10/2017.

Une ténébreuse Lisbonne …

« L’ombre regarde le visage de la femme. Ses yeux sont très clairs et grands ouverts comme s’ils voulaient comprendre. L’ombre la touche. – Je suis le Diable – dit l’ombre. Et la nuit les enveloppe. » Il fait nuit noire sur le Tage. Une certaine nervosité règne sur les berges du fleuve. Des silhouettes s’agitent. On entend des cris, des coups. Un corps bascule dans les eaux sombres sous le regard discret d’une ombre rampante…

En ce mois d’octobre 2017, les éditions Chandeigne ont réservé une surprise à leurs lecteurs. En effet il y a du nouveau au catalogue : un polar ! Le premier en 25 ans d’existence. Son nom : Mort sur le Tage signé du prolifique Pedro Garcia Rosado. Maître dans le genre, il est aujourd’hui l’auteur d’une dizaine de romans policiers dont les thèmes sont souvent inspirés des grandes affaires qui rythment l’actualité portugaise.

Mort sur le Tage  est un roman noir au rythme haletant dans lequel nous découvrons une Lisbonne qui s’éloigne des clichés habituellement attribués à la ville aux sept collines pour pénétrer dans un univers sombre et violent …

L’histoire débute avec un meurtre en bord du fleuve lisboète. Nous sommes dans la capitale au début des années 2000. Le lecteur suivra alors l’enquête officielle de l’inspecteur Moura mais aussi celle du frère de la victime, Ulianov. Immigré russe et ex-agent du KGB, il mènera sa propre investigation pour retrouver sa sœur disparue et découvrir ses assassins.

Dans ce roman noir où la ville de Lisbonne est un personnage à part entière, le lecteur la voit, la vit comme s’il y était. Pedro Garcia Rosado dresse un portrait au vitriol de la société lisboète où défilent la jet-set des beaux-quartiers et des environs chics avec son ancien capitaine d’industrie et ses deux rejetons se pensant au-dessus des lois, des fonctionnaires municipaux corrompus et des policiers véreux (ou pas), des immigrés russes et des prostituées et, surgi des sous-sols inexplorés de la ville aux remugles fétides, un bien étrange personnage…

Rosado nous embarque dans une capitale complexe, où les personnages jamais manichéens à la personnalité pourtant bien affirmée s’y confrontent et composent un tableau social mordant. Nous découvrons des problématiques propres aux grandes villes, très contemporaines : immigration clandestine, corruption et réseau de prostitution mais aussi des réminiscences de traumatismes dus à l’histoire du pays…

Mort sur la Tage  est un roman noir comme on les aime, plein de rebondissements qui enrichissent les personnages au fil des pages et rendent l’histoire aussi trouble que les eaux dormantes.

CAPMag – septembre 2017