Libraire, le pari du jour

La 3e édition du « Pari des Libraires » se déroule aujourd’hui dans une centaine de librairies indépendantes. Depuis 30 ans, Michel Chandeigne promeut la littérature portugaise et brésilienne.

«Et toi, tu lis quoi ? » La question va fuser, aujourd’hui dans tout Paris. La 3 e édition du « Pari des Libraires » transforme la ville en capitale des lettres et des histoires, des écrivains et de ceux qui les aiment. Plus de 100 librairies indépendantes ouvrent leurs portes. Et il y en a un pour qui le rendez-vous est symbolique : Michel Chandeigne fête les 30 ans de sa Librairie Portugaise et Brésilienne et les 25 ans de sa maison d’édition, fondée avec sa complice Anne Lima.

A eux deux, au bord de la place de l’Estrapade (V e), en plein Quartier latin, ils tiennent les rênes de la dernière librairie portugaise de Paris, et même de France. « L’ultime », sourit cet ancien typographe, tombé dans les lettres portugaises comme dans un chaudron magique. Magique mais jamais à l’abri d’un mauvais bouillon, du genre de celui qui a conduit bien des confrères à baisser leur rideau : la vente en ligne.

« une langue parlée sur tous les continents »

« Internet est une menace pour les librairies étrangères, et beaucoup ont disparu, regrette Michel Chandeigne. Encore récemment, on a vu fermer la seule librairie allemande de Paris, qui était une institution ! » Lui-même a l’optimisme des passionnés et le cuir dur de ses 30 ans de « métier ». Il n’empêche, résister à la Toile n’est pas facile, même si Paris et ses 756 librairies, dont 239 dans le seul Quartier latin, garde son rang de ville des libraires. « C’est devenu indispensable d’organiser des événements », admet Michel Chandeigne, à quelques heures de rassembler écrivains, traducteurs et musiciens pour une soirée dédiée à « l’essentiel de la culture lusophone »*.

La question ne se posait pas, il y a 30 ans lorsqu’il faisait sa « coopé » – son service militaire en coopération – comme prof dans un lycée français de Lisbonne. Ce fut un coup de foudre. « J’ai découvert cette ville extraordinaire, ses auteurs inconnus chez nous. A l’époque, il y avait une dizaine de livres traduits ! Je suis rentré, je me suis lancé dans les traductions. » De 10, le nombre de livres est passé à 400, et sa librairie compte 9 000 titres. « Il y avait une demande, raconte encore Michel Chandeigne. La communauté portugaise de Paris a toujours été très importante et c’est une langue parlée sur tous les continents depuis cinq siècles ! » Le Brésil, plusieurs pays africains, trois pays d’Asie… « Le monde lusophone est partout », insiste le libraire-éditeur, dont la dernière trouvaille a frôlé le bandeau rouge et blanc des prix littéraires : le premier roman du jeune Portugais Valério Romão, « Autisme », était finaliste du dernier prix Femina étranger, et encensé par la critique.

Élodie Soulié – Le Parisien – Vendredi 30 juin 2017